LE PRINECE QUI N'AVAIT QU'UNE BOTTE (commeunvers)
LE
PRINCE QUI N'AVAIT QU'UNE BOTTE
Dans
un royaume où rois et reines allaient nus naquit un prince. Dès les
premières années de sa vie on lui fit faire comme à tous les
membres de la famille royale : on le fit aller nu.
Vers
l'âge de treize-quatorze ans, le prince se rebella. Il ne voulait
plus aller au défilé nu comme un ver. Il entama des négociations
avec son père, sa mère, le chambellan. Rien n'y fit. La famille
royale devait aller nue : le prince devait aller nu.
Mais
le prince n'était pas d'accord. Comme il possédait une belle
garde-robe pour les jours de non-défilé, il se fit la promesse que
la prochaine fois qu'il arpenterait les rues de la ville il serait
vêtu.
Vint
le jour du jubilé du règne. Tout le monde se mit tout nu et se
prépara à y aller. Le jeune prince fit celui qui était en retard
et demanda aux autres de partir devant. Comme le protocole exigeait
une ponctualité sans faille on le laissa derrière.
Alors
que la famille royale, sauf le prince, défilait, les hourras, les
vivats montait de l'assistance. Mais soudain l'expression de la foule
changea : quelle audace! criaient les plus jeunes; quelle horreur!
criaient les plus vieux. Et l'on vit passer le prince nu mais chaussé
d'une botte.
-
Je vous avais dit que je n'irai plus nu.
-
Tu ne seras jamais roi, mon fils.
-
Et alors, que m'importe d'être roi si je peux agir à ma guise?
Le
prince en effet ne fut jamais roi. Car un jour qu'il paradait avec sa
botte il s'enfonça une écharde dans le pied resté nu et mourut
dans d'atroces souffrances.
Les
jeunes gens du royaume se rebellèrent car la coutume leur avait
coûté un bon prince. Ils réclamèrent que la famille royale soit
chaussée pour les défilés et sous le poids de la pression
populaire et parce qu'il avait perdu un fils bêtement le roi céda
et décréta que chacun ferait comme il l'entendait.
Ce
fut la fête dans le royaume. On organisa un défilé. Tous les
membres de la famille royale étaient chaussés. Et pour faire
honneur au prince disparu ils ne portaient qu'une seule botte et
marchaient à cloche pied.
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