RAYMOND, LE FANTÔME QUI N'ÉXISTAIT PAS (comme un vers)
RAYMOND,
LE FANTÔME QUI N'EXISTAIT PAS
Dans
une HLM, une tour moyenne, mal entretenue et qu'on destinait à la
démolition, vivaient encore quelques locataires que les pires
avanies n'avaient pas réussis à faire partir.
Ici
habitait une jeune femme seule qui passait son temps à écrire des
histoires de fantômes auxquels elle ne croyait pas.
Toute
la journée à sa table, elle inventait des châteaux, de vieilles
demeures isolées dans lesquels les habitants étaient aux prises
avec des esprits plus ou moins frappeurs.
Alors
qu'elle se levait fort tard après avoir travaillé toute la journée
et une bonne partie de la nuit, elle entendit claquer une porte dans
l'appartement du dessus. Ors cet appartement était condamné depuis
belle lurette. Intriguée elle monta à l'étage et vit la porte
toujours condamnée. Elle haussa les épaules et redescendit
retrouver son café qu'elle avait abandonné.
A
peine fut-elle assise qu'elle entendit marcher au-dessus de sa tête.
A tous les coups il y avait quelqu'un. Elle haussa les épaules et
finit son café tout en se mettant au travail.
Mais
rien. Aucune inspiration. Sa tête était vide. Cela ne lui était
jamais arrivé. Elle en avait entendu parlé mais cela lui était
apparu comme un phénomène étrange qui ne la concernait pas. Et de
nouveau la porte claqua au-dessus de sa tête. Elle fit monter son
attention d'un cran et entendit de nouveau des bruits de pas puis de
chaîne. Elle remonta voir et écouta : la porte était bien
condamnée et un silence de mort régnait autour d'elle. Elle haussa
les épaules et redescendit en s'inquiétant de son manque
d'inspiration.
Elle
tenta de se remettre au travail, mais rien. Absolument rien, la tête
absolument vide.
Cela
dura quelques jours : la porte, les bruits de pas et de chaîne. Elle
alla s'enquérir auprès du peu de voisins qui lui restaient : ils
n'avaient rien vu, rien entendu. Elle haussa les épaules et rentra
chez elle.
Au
bout d'un moment de régime sec devant la feuille, elle décida de ne
plus chercher à travailler et chercha à couvrir les bruits qu'elle
entendait en faisant le plus possible de bruit elle-même : elle mis
la musique à fond, passa l'aspirateur plusieurs fois par jour, fit
la vaisselle en l'entrechoquant le plus possible. Le plus délicat
était la nuit car elle avait besoin de dormir donc de silence.
Un
soir alors qu'elle était déjà en pyjama on frappa à la porte.
Elle alla ouvrir.
Derrière
la porte se tenait un drap qui avait forme humaine et qui tenait une
chaîne à la main.
-
Bonjour. Je suis Raymond, le fantôme du dessus.
-
Non.
-Comment
ça, non ?
-Vous
ne pouvez pas être le fantôme du dessus puisque les fantômes
n'existent pas.
-
Comment ça ? J'existe puisque je suis devant vous.
-
Non, vous n'existez pas.
-
Mais vous me parlez.
-
Vous n'existez pas quand même. Veuillez entrer, nous serons plus à
l'aise. Je vous sers un verre ?
-
Non. Nous autres fantômes sommes de purs esprits, nous ne mangeons
ni ne buvons.
-
Tant pis pour vous. Moi je m'en sers un. Alors qu'est-ce qui vous
amène ?
-
Je n'ai pas d'eau.
-
Et alors, puisque vous ne buvez pas.
-
Pour le linceul.
-
Quoi le linceul ?
-
Et bien, il faut le laver.
-
Vous voulez que je fasse une machine ?
-
Ce serait très aimable de votre part.
-
Donnez.
Et
Raymond ôta son linceul.
-
Vous voyez que vous n'existez pas. Il n'y arien sous le drap.
-
Comment ça rien ? Et moi où suis-je ?
-
Vous n'êtes nulle part puisque vous n'existez pas.
-
Alors là vous m'apprenez quelque chose !
-
Très heureuse de vous l'apprendre. Ça sera sec demain soir. Je vous
le repasse ?
-
Avec joie. Je déteste les faux-plis.
-
Alors bonsoir. A demain.
Le
lendemain soir Raymond frappa de nouveau à la porte. Il ne portait
que sa chaîne.
-
Je m'excuse pour ma tenue mais je n'ai pas de rechange.
-
Pas grave. Je ne suis pas formaliste. Tenez. C'est prêt.
-
Alors que Raymond passait son linceul, il questionna :
-
Que faites-vous dans l'existence puisque vous existez ?
-
J'écris des histoires de fantômes.
-
Mais vous dites vous-même que nous n'existons pas.
-
Justement. Je vous fais exister.
-
Trop aimable.
-
Mais depuis que je vous entends, je n'ai plus aucune idée. Rien. Le
vide.
-
Donc il faudrait que je n'existe pas.
-
Vous n'existez pas.
-
Ah oui, c'est vrai ! Excusez-moi, je n'ai pas encore l'habitude.
-
Il faudrait que vous déménagiez.
-
Ah bon ?
-
J'ai besoin de silence. Pour dormir.
-
Très bien. Je vais aller voir ailleurs si j'y suis. Peut-être
existerais-je là-bas. Je pars dès ce soir. Ce sont donc des adieux,
très chère.
-
Adieu, Raymond. Et merci.
-
De rien.
Le
lendemain matin, après une bonne nuit de sommeil, notre écrivain se
mit au travail de bonne heure. Elle avait retrouvé l'inspiration.
Elle écrivit l'histoire de Raymond, le fantôme qui n'existait pas.
Elle eut du succès et put quitter la tour pour un joli château en
Écosse.
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