TOUFOUFOU, LE MOINILLON SPIRITUEL (commeunvers)
Toufoufou,
le moinillon spirituel.
Très
haut dans la montagne, était un monastère. Là vivaient moines et
moinettes qui en tout suivaient La Règle.
Un
matin, un jeune moine déjà sage se rendit près du cours d'eau pour
méditer avec la nature. Il prit place sur un rocher qui lui sembla
favorable et laissa un temps son regard jouer avec l'eau, la pierre,
l'herbe rare et le ciel d'azur. Un chemin sinuait, il en suivit les
courbes jusqu'à l'horizon peu lointain et eut une surprise : se
détachant sur le fond bleu, une silhouette maigrichonne se profila.
C'était un enfant, il était nu. Sagement le jeune moine le laissa
s'avancer. Quand l'enfant fut à portée il l'interpella :
-
Bonjour, petit, commença-t-il. Que fais-tu nu dans la montagne ?
D'où viens-tu ?
-
Je viens de nulle part, répondit l'enfant, et si je suis nu c'est
parce que je n'ai pas d'habit. Et toi d'où viens-tu ?
-
Je viens du monastère, répliqua le moine.
-
Qu'est-ce que le monastère ? demanda l'enfant.
-
Un lieu de haute spiritualité, précisa le moine.
-
Tiens ? rétorqua le gamin. Moi aussi je suis très spirituel.
-
Comment t'appelles-tu ? questionna le religieux.
-Toufoufou,
dit l'enfant. Et toi ?
-
Zissiz, répondit le saint homme. Viens, poursuivit-il, je t'emmène
au monastère.
-
Chouette ! s'exclama Toufoufou. J'aime quand c'est spirituel.
Zissiz
conduisit Toufoufou devant la mère supérieure : c'était La
Règle quand un étranger pénétrait dans l'enceinte sacrée.
-
Votre Hauteur, s'inclina Zissiz, voici Toufoufou qui est venu à moi
à la rivière. Il prétend être spirituel, venir de nulle part et
il n'a pas d'habit.
La
mère supérieure observa l'enfant un moment puis déclara :
-
Nous le nourrirons, le vêtirons. Il sera notre moinillon. Pour
commencer, corvée de patates.
Après
que l'enfant fut vêtu et nourrit Zissiz le mena aux cuisines où
frères et sœurs épluchaient des pommes de terre pour la
communauté.
-
Voilà, dit-il à Toufoufou. Tu n'as qu'à prendre modèle. En
silence, c'est La Règle.
Et
le jeune moine s'en fut.
Toufoufou
pris un couteau et une pomme de terre mais au lieu de l'éplucher il
la sculpta savamment en prenant sa voisine de table comme modèle. Il
fit de même avec toute la tablée. Les religieux ne disaient rien et
ne voyaient rien, La Règle exigeait que l'on se taise pendant qu'on
travaillait et que l'on fut concentré. Zissiz revint et trouva
Toufoufou seul devant son chef-d’œuvre.
-
Toufoufou ! Ce n'est pas bien. Tu as gâcher de la nourriture et
perdu du temps. Pour te rattraper tu seras de corvée de nettoyage.
Range la cuisine et nettoie-la.
Toufoufou
encore une fois fut laissé à lui-même. Il commença par rassembler
les épluchures et, inspiré, il écrivit son nom avec, en petit et
en grand, et en-dessous il écrivit la phrase « Ce n'est pas du
tout spirituel ! » puis s'en alla.
Les
moines ne le revirent jamais mais gardèrent en mémoire l'énorme
fou rire qui les prit quand il découvrirent à quel point Toufoufou
était spirituel.
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